Notre relation aux bêtes en général, mais plus particulièrement à celles peuplant les villes, est un reflet direct de notre relation aux autres et à leurs différences. Nous nous étonnons de leur présence, nous les observons avec curiosité ou indifférence et parfois aussi nous les repoussons. Ils nous inquiètent, ils déstabilisent la relation pacifiée et familière que nous avons avec notre environnement, ils font surgir dans les espaces urbains des souvenirs d’une vie sauvage désormais en grande partie engloutie. Les animaux sont à la fois nos doubles et nos ennemis, nous sommes effrayés par leur possible disparition en même temps que nous cherchons à étendre toujours plus notre emprise sur les lieux qu’ils habitèrent jadis. Nous tentons de réguler leur présence, de contenir leur expansion, voire, si nous les estimons nuisibles, de les exterminer. Nous sommes des régulateurs/exterminateurs, repoussant la nature et la glorifiant en même temps. Pourtant, toujours obstinée et inlassable, la voici qui, sous les traits de merles, termites, chiens, chats, corbeaux ou cafards, revient dans nos villes, s’immisce dans les brèches et les interstices, les zones en friche, les petits espaces délaissés, les toits, les jardins, les caves et même les appartements.
Par le texte, la musique et la vidéo, nous allons tenter de nous rapprocher de ces présences quasi invisibles, nous allons nous souvenir qu’elles nous accompagnent dans nos existences citadines, nous allons tenter d’imaginer ce que c’est que d’être un rat ou un cafard en inventant des conditions de perceptions qui soient proches des leurs. Et ce travail nous conduira sans doute à penser autrement nos villes en ouvrant notre regard et tous nos sens à l’existence furtive de ces êtres différents qui ont été, bien souvent, nos prédécesseurs sur les territoires que nous occupons.
Texte et voix : Olivia Rosenthal
Vidéo et musique : Eryck Abecassis
Production : La Muse en Circuit – Centre national de création musicale – Coproduction: MC 93 de Bobigny.